La Paris Design Week, entre création et savoir-faire
Du design, de la création, et des idées nouvelles… tel est le menu qui a été proposé aux nombreux visiteurs, amateurs et professionnels des quelque 300 lieux de la Paris Design Week 2022, qui a eu lieu du 8 au 17 septembre. Mais la manifestation a aussi joué la carte du patrimoine et de la tradition, omniprésents dans les bâtiments investis et dans les nouveautés produits, ce qui rappelle que la création de qualité doit aussi s’appuyer sur des procédés et savoir-faire éprouvés, ce qui est l’un des points forts des maisons françaises.
Lire aussi : Orria, un exemplaire cas d'école de la commande publique
La Paris Design Week, qui s’est déroulée du 8 au 17 septembre, parallèlement à Maison&Objet, a confirmé son statut de manifestation transversale pour le monde du design et de la maison. Sans qu’il soit possible de décompter le nombre de participants, on peut dire sans se tromper que le nombre très élevé de lieux concernés dans la capitale, environ 300, en fait un rendez-vous incontournable pour des milliers et des milliers d’amateurs de design, auxquels il faut ajouter les visiteurs professionnels de Maison&Objet, qui complètent leur parcours « in » par des visites, vernissages et autres présentations de nouveaux produits dans le parcours « off ». Sa transversalité, la Paris Design Week la doit au fait qu’elle englobe tous les designs, à commencer par celui des jeunes designers et éditeurs émergents, dont les créations sont sélectionnées par un appel à projets lancé par l’organisateur et ouvert sur l’international, puis réunies dans la Paris Design Week Factory, qui a pris place cette année à l’Espace Commines dans le Marais. L’événement entraîne aussi le monde de la formation, avec par exemple cette année l’exposition « Design for a Wild World », qui a regroupé des projets de fin d’études des 9 plus grandes écoles de design de Paris, au Campus Métiers d’art et design, avec pour thème l’intrusion des nouvelles thématiques sociales et environnementales dans le design. Il inclut aussi dans son périmètre les institutions, comme le montrent les installations mises en œuvre dans les Monuments Nationaux – Hôtel de Sully, Bibliothèque historique de la Ville de Paris, bibliothèque Forney, fontaine gonflable de Bina Baitel à l’Hôtel de la Monnaie – et plus encore le Mobilier national, qui a profité de ce temps fort pour présenter la chaise Orria, commandée au designer Patrick Jouin et fabriquée par la manufacture basque Alki, qui équipe la salle de lecture ovale du site Richelieu de la Bibliothèque Nationale de France. Enfin, le parcours de la Paris Design Week intègre aussi de nombreux showrooms de marques françaises et internationales – mobilier, luminaire, bureau, tapis… – qui profitent de cette opportunité pour lancer leurs nouveautés produits auprès de leurs distributeurs du marché français.
Les marques françaises jouent le savoir-faire
Les marques françaises – notamment celles qui ont un showroom dans la capitale – ont profité de l’événement pour mettre en avant leurs nouveautés, mais aussi leurs savoir-faire. C’est le cas de Duvivier Canapés, qui a mis son showroom de Saint-Germain-des-Prés sous le signe du tressage de cuir : différents modèles de la gamme, comme le canapé Elsa ou la chaise longue Emile (design Guillaume Hinfray) ont été renouvelés ici par un côté, là par un accoudoir ou encore par des coussins recouverts par un élégant entrelacs de lanières de cuir tressé uni ou bicolore, un procédé qui montre toute la maîtrise de cette maison dans le travail de ce matériau. La marque a aussi lancé le nouveau fauteuil Jacques, du même designer par ailleurs directeur artistique, qui associe le bois massif et le cuir dans un esprit Art Déco. C’est une Paris Design Week importante pour Moissonnier, le grand couturier du meuble classique, qui l’a organisée pour la première fois dans son nouveau show-room situé dans le 7e arrondissement. Cet écrin de 180 mètres carrés, inauguré sous l’impulsion de son nouveau président Christophe Martin, dont l’architecture intérieure a été confiée à l’agence Véronique Cotrel et la scénographie à Virginie Duboscq, a permis à la marque d’exposer ses créations qui associent le vocabulaire des styles historiques et une création décalée au niveau des finitions et des tissus, des plus classiques aux plus inattendus.
Fameux éditeur de tissus depuis 1935, Pierre Frey est aussi devenu éditeur et fabricant de mobilier, depuis le rachat en 2018 des ateliers Rosello, qui ont longtemps fabriqué du mobilier pour l’hôtellerie, en utilisant le hêtre issu des forêts avoisinant leur implantation de Villers-Cotterêts (Aisne). Sous la direction artistique de Sam Baron, la marque multiplie depuis les collaborations créatives avec les designers – concept Dolmen signé Constance Guisset, canapés modulaires conçus par Christophe Delcourt, chaises, banquettes et fauteuils dessinés, entre autres, par Charlotte Juillard et Guillaume Delvigne… – comme le montrent les près de cinquante nouveautés signées de grands noms internationaux qui constituent la collection 2022. Parmi elles, la ligne KISS du Britannique Sebastian Bergne, déclinée en chauffeuse, guéridon et repose -pied, tout en rondeurs entièrement tapissées qui s’entrechoquent et s’assemblent, illustre à elle seule la virtuosité des ateliers. Signalons aussi, sans pouvoir être exhaustif, les nouvelles créations de Matière Grise, l’une des marques de mobilier françaises les plus créatives dans le travail du métal, qui a enrichi sa gamme avec des luminaires inédits issus de nouvelles collaborations : Multitude, signé du duo Pauline Capdo et Luis Bellenger, dont la silhouette évoque l’alignement vertical des cheminées parisiennes, ou encore Brion, de la créatrice Belge Axelle Vertommen, inspiré du monument de l’architecte brutaliste italien Carlo Scapa en mémoire de l’industriel Giuseppe Brion.
Forte présence des grandes marques internationales
La Paris Design Week est aussi un terrain d’expression pour les grandes marques internationales, qui relaient notamment les nouvelles collections qui sont lancées au printemps au salon de Milan. Dans ce registre, l’italien De Padova – groupe Boffi-De Padova – a dévoilé un nouveau partenariat avec le créateur de mode Paul Smith, qui se traduit par la nouvelle collection Everyday Life. Le fabricant a mis à profit l’approche colorée, joyeuse et sobre du styliste pour customiser canapés, fauteuils et poufs, marqués par des coutures contrastées complétées par des sangles en cuir attachées à la structure en bois du rembourrage, et des poches fonctionnelles fixées à l’accoudoir qui peuvent contenir des journaux. Les mêmes coutures se retrouvent dans les accessoires d’ameublement tels que les bancs et les plateaux en cuir, tandis que les motifs appliqués aux tables basses ne sont pas sans rappeler de manière discrète les rayures iconiques de Paul Smith dans ce que De Padova appelle une « pollinisation » de son mobilier. Vitra joue la carte de la réédition patrimoniale, en lançant une série limitée à 1 000 exemplaire de l’iconique fauteuil Kangourou du designer français Jean Prouvé, dont très peu d’exemplaires originaux restent en circulation. Ce fauteuil élaboré en collaboration avec la fille de son créateur, Catherine Prouvé, se caractérise par sa silhouette inspirée de l’animal emblématique de l’Australie, dont le poids du corps repose sur les pattes de derrière, de même que le poids du fauteuil sur ses pieds arrière, ce qui le rend particulièrement confortable. Il occupe une place à part par l’utilisation du chêne massif, alors que Jean Prouvé est surtout connu pour son approche d’ingénieur dans les structures en métal, tout en restant fidèle au langage formel du designer.
Le distributeur parisien de mobilier contemporain haut de gamme Silvera n’a pas manqué l’occasion de mettre en lumière les nouveautés marquantes de deux grandes maisons italiennes. Il s’agit en premier lieu de Agapecasa, la marque créée par Agape pour rééditer les créations du designer italien Angelo Mangiarotti (1921-2012), qui présente la réédition de la table Club 44, dessinée dans les années 1950 pour meubler le cercle culturel de La Chaux-de-Fonds (Suisse), et qui n’a jamais été mise en production depuis. Elle se caractérise par l’association d’un pied passif en béton et d’un plateau en marbre ou bois, assemblés de façon minimaliste par une structure technique en acier, typique de la manière du designer. Silvera met par ailleurs l’accent sur la création, en présentant les nouveautés de l’éditeur italien Edra, dont le « voluptueux » canapé Standalto, équipé d’un mécanisme sophistiqué et innovant, à l’origine du concept de « coussin intelligent », permet de modeler à volonté et par une légère pression la forme des dossiers et accoudoirs, qui perdent toute rigidité et épousent les lignes du corps pour un confort exceptionnel. Réédition d’une part, d’autre part création, deux maîtres mots et deux pôles qui résument bien cette Paris Design Week 2022.
[F. S.]
——————
[Zoom]
DesignHeure inaugure son showroom parisien
Éditeur de luminaires 100 % made in France depuis 2005, DesignHeure a inauguré son tout premier showroom parisien, situé dans le 10e arrondissement, pendant la Paris Design Week. A l’origine de créations intemporelles et haut de gamme reconnues en France et à l’étranger, cette marque sétoise incarne au sein du monde de la lumière une certaine idée de l’élégance française. DesignHeure a confié la conception de ce nouveau lieu de 165 m² à l’agence DZ Architecture, qui a imaginé une galerie de présentation des suspensions sous la forme d’une haie d’honneur menant à un espace salon accueillant et confortable. Les appliques, nichées dans une scénographie d’alcôves murales intégrée à une véritable chambre d’hôtel, permettent de se projeter dans des aménagements où les luminaires de la marque prennent place naturellement comme des sculptures en lévitation. A l’attention des prescripteurs en charge de projets professionnels ou résidentiels, le studio de DesingHeure fournit également une étude 3D sur-mesure, afin de personnaliser les dimensions des luminaires ou de concevoir une implantation spécifique adaptée à chaque projet.